Le sanctuaire Pelagos : une protection vitale en Méditerranée

Le sanctuaire Pelagos : une protection vitale en Méditerranée

Le sanctuaire Pelagos protège 87 500 km² en Méditerranée pour préserver cétacés et biodiversité marine face aux menaces humaines.

Le sanctuaire Pelagos constitue une initiative conjointe entre la France, l'Italie et Monaco pour protéger les mammifères marins en Méditerranée. S'étendant sur 87 500 km², cette zone abrite une biodiversité marine exceptionnelle, incluant plusieurs espèces de cétacés. Face aux pressions croissantes des activités humaines comme la nage avec les dauphins, Pelagos représente un effort significatif pour la conservation marine.

Le sanctuaire Pelagos : genèse et cadre juridique

Le sanctuaire Pelagos résulte d’une volonté trilatérale de protection des cétacés en Méditerranée occidentale. Il a été institué par un accord intergouvernemental signé le 25 novembre 1999 à Rome entre la République française, la République italienne et la Principauté de Monaco. Cet accord est entré en vigueur en 2002, après les procédures de ratification des trois États, et repose sur une reconnaissance commune de la vulnérabilité des mammifères marins face aux pressions anthropiques croissantes dans le bassin Méditerranéen.

Le sanctuaire Pelagos constitue une Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne (ASPIM) selon les critères définis par la Convention de Barcelone. Il est aujourd’hui l’unique aire marine protégée internationale dédiée aux cétacés en Méditerranée. Cette reconnaissance lui confère une légitimité juridique et une visibilité renforcée dans le cadre de la gouvernance environnementale régionale.

La genèse de Pelagos s’inscrit dans le prolongement de l’accord RAMOGE, signé en 1975, qui prévoyait une coopération transfrontalière entre Marseille, Gênes et Monaco pour lutter contre les pollutions marines et préserver la qualité du milieu marin. Pelagos a élargi cette approche, en intégrant la dimension de conservation des espèces, notamment des huit espèces principales de cétacés régulièrement observées dans la zone.

La superficie du sanctuaire atteint 87 500 km², englobant des eaux territoriales, contiguës et internationales. Il couvre une zone triangulaire allant de la Presqu’île de Giens en France à la Sardaigne en Italie, en passant par la côte ligure et les environs de Monaco. Ce secteur est reconnu pour sa richesse biologique, due à la rencontre de masses d’eau favorisant les remontées de nutriments, essentielles à la chaîne alimentaire marine. Pelagos constitue ainsi une zone critique pour l’alimentation, la reproduction et le transit des cétacés.

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Les cétacés du sanctuaire Pelagos

Pelagos abrite huit espèces de cétacés régulièrement observées :

* Rorqual commun (Balaenoptera physalus) : de 19 à 22 mètres de long, pesant jusqu'à 70 tonnes, c'est le deuxième plus grand animal au monde.

* Cachalot (Physeter macrocephalus) : atteint 18 mètres pour 40 tonnes, capable de plongées dépassant 2 000 mètres et durant plus d'une heure.

* Dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba) : espèce grégaire formant des groupes de plusieurs centaines d'individus.

* Grand dauphin (Tursiops truncatus) : présent en petits groupes, souvent observé près des côtes.

* Dauphin commun (Delphinus delphis) : moins fréquent, mais présent dans la zone.

* Dauphin de Risso (Grampus griseus) : reconnaissable à ses nombreuses cicatrices corporelles.

* Globicéphale noir (Globicephala melas) : vit en groupes sociaux complexes.

* Baleine à bec de Cuvier (Ziphius cavirostris) : espèce discrète, observée occasionnellement.

Ces espèces bénéficient de conditions favorables dans le sanctuaire, notamment grâce à la richesse en plancton et à la topographie sous-marine propice à l'alimentation et à la reproduction.

sanctuaire Pelagos

Les menaces pesant sur les cétacés de Pelagos

Malgré le statut protégé du sanctuaire Pelagos, les cétacés qui y résident subissent des pressions constantes d’origine humaine. Le caractère transnational de la zone, son attractivité touristique et son intense activité maritime exacerbent les risques écologiques, compromettant la survie des espèces les plus sensibles.

La première menace identifiée concerne les collisions avec les navires. Les rorquals communs (*Balaenoptera physalus*) et les cachalots (*Physeter macrocephalus*), en raison de leur lenteur et de leurs longues phases d'immersion, sont particulièrement exposés. Ces chocs sont souvent fatals. Or, la zone Pelagos est traversée par des routes commerciales denses, entre Marseille, Gênes et la Corse. Selon des études menées par des ONG comme Souffleurs d'Écume, une dizaine de rorquals périssent chaque année dans des collisions, un chiffre probablement sous-estimé.

Autre menace majeure : les captures accidentelles dans les engins de pêche, en particulier les filets maillants dérivants. Bien que leur usage soit interdit dans de nombreux cas, des pratiques illégales persistent. Des dauphins, notamment *Stenella coeruleoalba* (dauphin bleu et blanc), s’y retrouvent piégés et noyés.

La pollution sonore sous-marine constitue également un facteur de stress chronique. Le bruit émis par les moteurs de navires, les sonars militaires et les prospections sismiques perturbe les systèmes d’écholocation et les communications entre individus, essentiels à leur orientation et à la coordination des groupes.

La pollution chimique, en particulier les hydrocarbures, métaux lourds, PCB et plastiques, affecte directement la santé des cétacés par bioaccumulation. Les cétacés, en bout de chaîne alimentaire, concentrent ces polluants dans leurs tissus. Des analyses ont révélé des niveaux préoccupants de mercure et de PCB chez les dauphins grands-parents.

Enfin, les modifications climatiques induisent des changements dans la température de l’eau, l’acidification des océans et la migration des proies. Cela déséquilibre la chaîne trophique locale. Une diminution de la disponibilité des bancs de krill ou de calmars, par exemple, a un impact direct sur les grands cétacés.

Pour atténuer ces risques, plusieurs mesures ont été engagées : essais de dispositifs de détection acoustique des cétacés à bord des ferries, réduction de la vitesse des navires dans certaines zones, réglementation de la pêche et campagnes de sensibilisation auprès des plaisanciers et professionnels de la mer. Néanmoins, leur efficacité dépend du respect de ces règles, encore variable selon les secteurs et les pays impliqués.

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L’observation des cétacés : encadrement et sensibilisation

L’observation des cétacés dans le sanctuaire Pelagos constitue une activité croissante, notamment entre les mois de mai et octobre, période durant laquelle les cétacés sont plus visibles en raison de la concentration de plancton. De nombreuses excursions sont proposées au départ de ports français (Toulon, Hyères, Nice), italiens (Sanremo, Savone) ou monégasques. Cette activité peut constituer un levier important pour la sensibilisation du public à la préservation du milieu marin, mais elle comporte également des risques pour les animaux si elle est mal encadrée.

Face aux dérives observées dans certains secteurs (harcèlement des groupes de dauphins, poursuites prolongées, mise à l’eau de nageurs), les États partenaires ont adopté un code de bonne conduite spécifique à l’observation des cétacés dans Pelagos. Il impose notamment :

* Une distance minimale de 100 mètres entre le bateau et les cétacés.
* Une vitesse réduite à 5 nœuds dès lors que des animaux sont repérés à proximité.
* L’interdiction de toute manœuvre agressive, comme les approches frontales, les cercles ou les brusques changements de direction.

En parallèle, un label "High Quality Whale-Watching" (HQWW) a été lancé afin d’encadrer les opérateurs touristiques. Ce label, délivré par des autorités compétentes dans chaque pays, garantit que l’excursion respecte les principes de non-perturbation et inclut une dimension pédagogique sur les espèces observées et leur environnement. Les guides doivent être formés à la biologie marine et sensibiliser activement les passagers sur les enjeux écologiques du sanctuaire.

Actuellement, seule une minorité d’opérateurs est certifiée HQWW. Ce déséquilibre pose un problème d’efficacité des mesures, car les comportements inappropriés persistent chez certains prestataires non encadrés. Pour pallier cela, plusieurs ONG locales ont développé des applications mobiles permettant de signaler les pratiques irrespectueuses et de promouvoir les excursions responsables.

Le développement de l’observation des dauphins de Méditerranée dans un cadre éthique représente un double enjeu : limiter les nuisances sur les cétacés tout en valorisant leur présence comme indicateur d’un écosystème marin fonctionnel. La vigilance reste de mise afin que cette activité ne devienne pas une source de perturbation supplémentaire dans une zone déjà fragile.

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La plongée et la biodiversité marine dans le sanctuaire

Le sanctuaire de Pelagos, bien que principalement dédié à la protection des cétacés, constitue aussi un réservoir de biodiversité exceptionnel. On y recense plus de 8 500 espèces animales marines, allant du plancton microscopique aux grands prédateurs pélagiques. Ce territoire englobe une variété d’habitats : plateaux côtiers, pentes abyssales, monts sous-marins et canyons profonds, comme ceux situés au large du Var ou de la côte ligure. Ces reliefs sous-marins favorisent les remontées d’eaux froides riches en nutriments, éléments essentiels au développement de la chaîne alimentaire.

La plongée sous-marine dans le sanctuaire Pelagos attire de nombreux passionnés, notamment sur les sites de Porquerolles, Port-Cros, Cap d’Ail ou encore la zone marine de Bergeggi en Ligurie. On peut y observer des gorgones, coraux rouges, mérous, dentis, barracudas ou encore des raies pastenagues. Plus profond, au-delà des 40 mètres, les plongeurs expérimentés peuvent croiser des thonidés, espadons, ou parfois des dauphins en transit. Les canyons sont aussi connus pour héberger des espèces sensibles comme le corail noir (*Antipathes* spp.) ou des éponges rares, indicateurs d’un bon état écologique.

Cependant, l’essor de la plongée récréative et l’utilisation croissante des scooters sous-marins soulèvent des problèmes de pression anthropique. Les contacts involontaires avec les gorgones, l’ancrage non maîtrisé des bateaux ou l’accumulation de bulles peuvent altérer les structures fragiles des habitats marins.

Pour prévenir ces impacts, des réglementations locales strictes sont en place. Dans les parcs nationaux intégrés à la zone Pelagos (comme Port-Cros), la plongée est soumise à autorisation et à quotas. L’usage d’ancrages écologiques, les briefings environnementaux pré-plongée et l’interdiction de nourrir ou toucher les animaux sont devenus des standards dans les clubs de plongée agréés. Par ailleurs, des zones de quiétude écologique ont été mises en place dans certains secteurs, limitant les pratiques intrusives en haute saison.

Le respect de ces règles conditionne la durabilité de l’activité. Une plongée encadrée peut contribuer à la protection du sanctuaire en sensibilisant les pratiquants à la fragilité des écosystèmes marins. À l’inverse, une plongée mal encadrée accélère la dégradation des milieux benthiques, ce qui compromet l’intégrité de la zone Pelagos à moyen terme.

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