Pen Duick, un voilier de légende

24 Apr 2025, 11:06
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Pen Duick, un voilier de légende

Pen Duick, voilier conçu en 1898 par William Fife, restauré par Éric Tabarly, incarne l'histoire de la voile française.

Pen Duick est un voilier historique conçu en 1898 par William Fife III. Acquis par la famille Tabarly en 1938, il devient le bateau emblématique d'Éric Tabarly. Restauré en 1958 avec une coque en polyester, il marque une innovation majeure. Ses caractéristiques techniques incluent une longueur de 15,10 m, une largeur de 2,93 m, un tirant d'eau de 2,20 m et un déplacement de 11 tonnes. Son importance réside dans son rôle dans l'histoire de la voile française, notamment grâce aux exploits de Tabarly. Aujourd'hui, Pen Duick est entretenu par l'Association Éric Tabarly et continue de naviguer, témoignant de son héritage durable.

La conception du Pen Duick

Le Pen Duick, dont le nom provient du breton et signifie *petite tête noire* (désignant un oiseau marin), a été conçu en 1898 par l’architecte naval écossais William Fife III, reconnu pour ses yachts de course rapides et fins. Le bateau a été construit au chantier Griffith de Carrigaloe, près de Cork en Irlande. À l’origine, le voilier portait le nom de Yum, avant d’être renommé Pen Duick peu après son arrivée en France.

Le bateau est un cotre à gréement aurique, c’est-à-dire un voilier doté d’un seul mât avec une grand-voile quadrangulaire à corne. Le choix de cette configuration, typique des yachts de régate de la fin du XIXe siècle, répondait à un objectif précis : maximiser la surface de voile pour les vents faibles, tout en gardant une coque étroite pour une meilleure pénétration dans l’eau. La coque mesurait environ 15 mètres de long pour 2,93 mètres de large, avec un tirant d’eau de 2,20 mètres, ce qui traduisait un design orienté vers la performance en mer.

En 1938, le bateau est acquis par Guy Tabarly, père d’Éric Tabarly. Abandonné durant la Seconde Guerre mondiale, le voilier se détériore fortement. À la fin des années 1950, Éric Tabarly entreprend une restauration intégrale. La coque d’origine, faite en bois, est trop dégradée pour être réparée. Tabarly choisit alors de créer une nouvelle coque en polyester stratifié, en utilisant l’ancienne comme moule de fabrication. Il s'agit alors d’une démarche novatrice : c’est l’un des tout premiers voiliers de cette taille à recevoir une coque en matériau composite, à une époque où le bois domine encore largement la construction navale.

Ce choix technique est dicté par la nécessité, mais il marque aussi une avancée dans l’usage des matériaux modernes pour les bateaux à voile. Le Pen Duick devient ainsi un point de bascule entre tradition et expérimentation.

Les caractéristiques du Pen Duick

Le Pen Duick est un voilier monocoque de type cotre aurique, caractérisé par une voilure riche et adaptée aux conditions de course du début du XXe siècle. Il mesure 15,10 mètres de longueur hors tout, soit depuis la pointe de l’étrave jusqu’à l’extrémité arrière du bateau. Sa largeur au maître bau est de 2,93 mètres, et son tirant d’eau — la profondeur maximale du bateau sous la ligne de flottaison — atteint 2,20 mètres. Ces dimensions lui confèrent une silhouette fine et allongée, optimisée pour la vitesse et l'équilibre sous voiles.

Le déplacement du voilier est de 11 tonnes, ce qui comprend la masse de la coque, du lest, des équipements et de l’ensemble du gréement. Il s’agit d’un déplacement léger pour un voilier de cette taille, ce qui améliore sa réactivité au vent tout en assurant une bonne stabilité. Le gréement aurique est composé d’une grand-voile à corne, d’un flèche (voile située au-dessus de la grand-voile), de plusieurs voiles d’avant : un foc, une trinquette, un clinfoc, et un foc ballon utilisé au portant. Cette disposition, issue des traditions anglaises, permet d’ajuster la voilure selon la direction et la force du vent, rendant le voilier polyvalent en mer.

La coque actuelle, conçue en 1958, est réalisée en polyester stratifié, reposant sur un bordé bois d’origine utilisé comme moule. Ce choix technique assure à la coque une excellente résistance à l’eau et une plus grande durabilité que le bois seul. L’absence de moteur renforce son usage exclusivement à la voile, renforçant son caractère traditionnel.

L’agencement intérieur est réduit à l’essentiel, avec un cockpit minimaliste. L’équipage est généralement limité à 2 ou 3 personnes, selon le type de manœuvre à effectuer. Le Pen Duick se distingue ainsi comme un voilier historique aux lignes pures, conçu pour les sorties en bateau exigeantes.

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L'importance du Pen Duick

Le Pen Duick joue un rôle fondamental dans l’histoire maritime contemporaine française, notamment à travers son association avec Éric Tabarly, l’une des figures centrales de la course au large dans la seconde moitié du XXe siècle. Si ce premier Pen Duick n’a pas remporté de compétitions majeures à son époque, il a servi de point de départ à une lignée de voiliers expérimentaux qui ont profondément influencé le développement de la voile de compétition.

Lorsqu’Éric Tabarly entreprend sa restauration à la fin des années 1950, il ne se contente pas de remettre à flot un ancien yacht. Il engage un processus de modernisation radical, en optant pour un matériau composite, le polyester, encore peu utilisé dans la construction navale de cette dimension. Ce choix technique, né d’une contrainte économique, devient un exemple pour les chantiers et architectes navals de l’époque. Le Pen Duick devient donc un banc d’essai, un support d’expérimentation pour de nouvelles approches dans la conception de bateaux à voile.

À partir de ce voilier, Éric Tabarly construit une série de bateaux qui porteront tous le même nom suivi d’un chiffre romain : Pen Duick II à VI. Ces voiliers permettront de tester différents matériaux, plans de coque, gréements et équipements. Le Pen Duick II, par exemple, remportera la Transat anglaise en 1964, ouvrant une reconnaissance internationale au navigateur et plaçant la France au centre de la compétition à la voile.

Le premier Pen Duick conserve une valeur symbolique forte, bien au-delà de ses qualités marines. Il marque le point d'origine d’un changement dans l’architecture navale de course. Sa conservation et son usage continu dans les régates classiques contribuent à maintenir une mémoire active de cette période charnière. Pour les passionnés de voile, il représente un repère historique et technique.

L'impact et l'héritage du Pen Duick

Le Pen Duick, au-delà de ses caractéristiques techniques et de son histoire propre, a laissé une empreinte durable sur la culture maritime française. Son impact technologique, d’abord, réside dans l’utilisation du polyester pour la construction d’une coque de voilier de régate traditionnelle en 1958. Ce choix, fait par Éric Tabarly par nécessité, a démontré la viabilité du matériau composite pour des unités navigantes exigeantes. À une époque où le bois dominait encore largement la construction, cette décision a marqué un tournant vers des pratiques plus modernes et standardisées dans la fabrication des bateaux à voile.

L’héritage du Pen Duick est également symbolique. Il constitue le point de référence d’un modèle de transmission et de passion pour la voile. Éric Tabarly, en naviguant à bord de ce voilier, a suscité de nombreuses vocations. Plusieurs marins qui ont accompagné ou croisé la route de Tabarly — comme Olivier de Kersauson, Philippe Poupon ou encore Marc Pajot — ont eux-mêmes marqué la course au large par la suite. Le Pen Duick est ainsi lié à une forme d’école informelle, fondée sur l’apprentissage en mer, la rigueur et l’exigence technique.

Aujourd’hui, le voilier est conservé et entretenu par l’Association Éric Tabarly, qui en assure la maintenance à Lorient. Il participe régulièrement à des sorties en bateau traditionnelles et à des rassemblements de yachts classiques comme les Voiles de Saint-Tropez ou la Semaine du Golfe du Morbihan. Cette activité permet de maintenir le bateau à voile en condition de fonctionnement réel, et de le faire connaître à un large public.

L’impact du Pen Duick dépasse donc son seul usage nautique. Il constitue un élément actif du patrimoine maritime, transmettant une mémoire vivante des techniques, des gestes, et des exigences qui fondent la pratique de la voile de haut niveau.

La fin du Pen Duick

Le Pen Duick, contrairement à de nombreux voiliers historiques qui ont disparu ou été relégués à des rôles de musée statique, continue à naviguer activement plus de 120 ans après sa mise à l’eau. Il ne s’agit pas d’un vestige immobilisé mais d’un bateau à voile maintenu en état de fonctionnement, apte à prendre la mer dans des conditions réelles. Ce statut est possible grâce à l’action continue de l’Association Éric Tabarly, créée en 1998, qui en assure la gestion technique, la maintenance et les programmes de navigation.

Basé à Lorient-La Base, un pôle maritime dédié à la course au large, le Pen Duick bénéficie d’un environnement technique de haut niveau pour son entretien. Chaque année, il fait l’objet de contrôles précis, de carénages, de remplacements de gréements et de rénovations ponctuelles. Ces interventions sont menées dans le respect des techniques traditionnelles tout en intégrant les exigences actuelles de sécurité maritime.

Le voilier participe régulièrement à des événements tels que les Voiles de Saint-Tropez, le rassemblement Brest 2000, ou la Semaine du Golfe du Morbihan, où il évolue aux côtés d'autres yachts classiques. Lors de ces sorties en bateau, il est souvent manœuvré par des marins professionnels ou des bénévoles expérimentés. Cette activité publique permet de maintenir le lien entre le bateau et le public, et d’assurer la transmission des savoir-faire liés à la voile traditionnelle.

Il est aussi parfois accessible à la visite, dans des cadres organisés, offrant une approche pédagogique du patrimoine nautique. Sa continuité opérationnelle n’a rien d’anecdotique : elle confirme qu’un voilier historique, s’il est suivi avec rigueur, peut continuer à remplir pleinement sa fonction d’unité navigante. Le Pen Duick n’a donc pas connu de fin, au sens strict, mais s’inscrit dans une forme de permanence vivante, rendue possible par une gestion structurée et une volonté claire de transmission.

crédits photos: Association Eric Tabarly.